Il est 15h, un vendredi après-midi pluvieux, lorsque nous rencontrons Ange Bruneel au Café de la Maison du peuple à Saint Gilles. Nous sommes là pour une interview afin de vous présenter le travail de l’artiste. Le format de l‘entretien est à priori prédéfini, mais après quelques minutes, nous nous accordons sur le fait qu’une structure formelle ne conviendra probablement pas au sujet dont nous allons traiter : le rôle de l’improvisation dans son travail.
Nous éteignions donc l’enregistreur et, alors que la première tournée de thé à l’aloe vera arrive, nous nous lançons dans la discussion. A l’image de l’œuvre d’Ange, c’est un dialogue libre et sincère qui s’initie. Dialogue personnel, autant que partagé.
Nous le retranscrivons ici pour vous ouvrir la porte vers un monde parallèle.
(AW) Comment décrirais-tu ton travail ?
(A.B.) Les mots peuvent être limitants quant à l’univers qu’ils décrivent. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que j’utilise l’expression visuelle.
Je ne veux pas raconter du pipo juste pour faire plaisir (rire) ; chercher des adjectifs approximatifs ; contextualiser faussement un travail dont la signification complète m’échappe même à moi parfois.
Finalement, la signification d’une œuvre appartient autant au créateur qu’aux spectateurs d’une œuvre.
C’est vrai, je pense que la création tout comme l’interprétation d’une œuvre est, et doit, absolument rester libre. Le fait de ne pas savoir choisir les mots qui la décriront n’est pas du tout bloquant. Et surtout, en aucun cas, cela ne doit devenir un facteur limitant à ce que l’œuvre apporte à l’artiste ou au spectateur.
Que chacun choisisse ses adjectifs et le message que l’œuvre lui fait ressentir pour ensuite la décrire. Je lance la conversation et puis c’est tout.
(AW) Qu’est-ce qui est à l’origine de tes créations ?
(A.B.) Je dirais que mon travail est très personnel et issu d’un besoin quasi thérapeutique. C’est mon exutoire. Je crée pour moi car j’aime ça et pas pour les autres… Bien qu’évidemment ça me plait que les gens aiment mon travail (rires). En gros, je ne cherche pas à faire plaisir ou à plaire quand je dessine.
(AW) L’improvisation joue un grand rôle dans ton travail ?
(A.B.) Oui. Mais attention ce n’est pas pour moi un objectif en soi. Cela fait partie de mon processus.
Mon travail visuel prend la forme de compositions géométriques issues d’une forme d’écriture automatique. Cela nécessite un décrochage intellectuel complet. Ça s’apparente à de l’improvisation sans l’être entièrement.
Ce que je veux dire c’est qu’avec le temps j’ai créé mon propre référentiel qui se compose d’une juxtaposition libre de triangles. Ceux-ci, ainsi que toutes les tailles et combinaisons possibles qui en découlent forment comme un alphabet ou langage propre issu de mon inconscient. De la sorte, je suis moi-même spectateur de l’histoire qui s’écrit au travers du processus de création pour chacun de mes travaux.
Comme c’est un processus qui prend du temps, (ndlr : un travail peut être créé sur plusieurs mois), la démarche délivre une composition de mes émotions, humeurs et états d’esprit du moment.
On pourrait dire que c’est comme un cadavre exquis auto-généré et issu du fin fond de mon inconscient.
(AW) Et quand dirais-tu qu’une œuvre est terminée ?
(A.B.) Question difficile. C’est différent pour chacun. Pour moi, j’estime qu’une œuvre est finie lorsque le support est rempli et que je me suis assuré que l’ensemble visuel soit cohérent.
Ensuite, l’histoire racontée reprend son cours avec la prochaine.
Le contexte derrière la création artistique est essentiel pour sa compréhension, que ce soit par l’artiste lui même ou l’observateur. La synergie qui naît de cette compréhension multiple et en continuelle évolution nourrit la signification du travail de l’artiste. Nous vous en présentons ici une piste, mais c’est maintenant à vous de vous en imprégner afin d’en définir le sens que vous lui donnerai.
Anthony Huvenne – 29 juillet 2017